La fin d'un rêve

Ysaaltar se tenait dans la Grande Salle de la Tanière, les mains croisées derrière le dos, les yeux fixés sur les Objets Sacrés, la Coupe et la Lame, qui trônaient au centre de la pièce. En silence, il se remémorait les moments importants de sa vie de Daro-Gaathter Rathorter : l'appel de la Déesse des Etoiles, le développement de la Maarhsa sous sa direction, les moments de gloire et ceux de défaite, la guerre, les passages d'un univers à un autre, l'exploration de nouveaux terrains de chasse, le déclin, la passation de pouvoir à Sephiroth, la reprise dans le cinquante deuxième univers, l'éloignement de ses derniers Frères de Sang, ...

Cette fois la dernière attache était brisée. Aela partie, il était seul, le dernier du Sang des Loups des Etoiles, le dernier fidèle de Deborah, dont il contemplait à présent les reliques....

Puis il parla.

Il n'y avait personne dans la pièce, mais il ne s'adressait pas aux mortels. Il ressentait le besoin de s'expliquer, de parler, et la dernière personne prête à l'écouter n'était plus réellement de ce monde depuis des siècles.

Ils sont tous partis, Deborah !

Leurs empires sont à l'abandon, rien ne se dresse entre leurs mondes et la barbarie de l'univers. Mon empire est également la proie des pillards et des conquérants, et je ne puis plus rien faire pour m'y opposer.

Tu m'en es témoin, j'ai lutté jusqu'au dernier moment. Tant qu'un Loup restait, j'ai tenu bon face à l'univers tout entier, mais à présent, ils sont tous vaincus. Je suis le dernier...

Tant que je serai en vie, ta présence ne disparaitra pas, je t'en fais le serment, par le Sang de la Maarhsa ! Tu vivras à travers moi, car jamais je ne cesserai d'appliquer ce en quoi tu as cru, ce en quoi je crois. Malgré ma déchéance, nul ne m'imposera de te renier.

Mais je n'ai plus la force de t'imposer aux autres. Je dois renoncer à mon empire. La Maarhsa va disparaitre, définitivement.

Deborah, rappelle-toi à ceux qui t'ont connue. Il faut qu'ils sachent que tu existes toujours, que rien n'est oublié tant que l'un d'entre eux se souvient de toi et de ce que tu représentes. Donne leur la force de ne pas te laisser sombrer dans l'oubli.

Le Chef de Meute s'agenouilla alors devant les Objets Sacrés. Ses yeux étaient fermés, pour ne pas laisser échapper les larmes qui y coulaient.

Après un court moment, des hurlements s'élevèrent partout alentours. La Tanière toute entière retentissait des cris de ses Frères, s'élevant les uns après les autres, faiblissant puis reprenant de plus belle.

Et pendant ce temps, une étrange transformation s'opérait en lui. Il se sentait plus sauvage, plus fort. Une faim le tenaillait, une faim de chasse, de course effrénée, une faim de sang chaud et de viande crue. La reconnaissant pour ce qu'elle était, il ne chercha pas à la repousser. Il joignit alors son hurlement à celui de ses Frères, et sortit ensuite de la Tanière au petit trot, pour les rejoindre.

Et lorsque le grand Loup blanc atteignit la lisière de la forêt sombre et glacée, inconscient du dernier cadeau de la Déesse au dernier de ses fidèles, les portes de la Tanière se refermèrent...

... pour la dernière fois.